dinsdag 29 november 2016

planter un verger

 une prairie, des arbres, quelques outils et des mains pleines de terre. 

 

Il y a un an j’ai eu l’occasion de réaliser un rêve. Ou plutôt d’en commencer un. Un morceau de terre agricole, c’est ça que je voulais , et planter des arbres fruitiers. Cela ne s’avérait pas aussi facile que je ne pensais au départ, le monde agricole étant assez fermé et pas prêt du tout à vendre à une femme voulant planter des arbres en bio. Mais par un heureux hasard je trouve quelqu’un d’ouvert à ma question qui a des terres à vendre, un peu plus que ce que je cherchais donc je me trouve des partenaires pour l’achat et on signe le contrat  fin décembre 2015.
Je ne veux qu’une chose: planter. Planter oui, mais comme on plante un arbre pour au moins 30 à 100 ans faudrait peut être un peu réfléchir, non? Depuis un an ou 2 je rassemble toute information que je puisse trouver sur les fruits bio: je lis des livres , je vais à des conférences, suis des formations et je suis devenue membre de Flore et Pomone. Quand j’ai vu le verger d’Enines pour la première fois je me suis sentie comme un enfant dans un “bollewinkel”! Ici j’apprends la pratique de l’entretien d’un verger, ici je retrouve et je découvre des goûts, j’observe des maladies, les ravageurs et leurs adversaires, école parfaite donc, d’autant plus que Jean-Pierre Wesel , le “père” de ce verger voit en moi un certain potentiel et me passe une montagne d’informations que  je suis avide d’apprendre. Maintenant toutes ces informations demandent à être mises en pratique dans notre prairie.
Avec mon amie Anne qui s’est lancée dans cette aventure avec moi on a décidé d’en faire un slow verger, en analogie avec le slow food, on veut prendre le temps d’observer et de pouvoir ajuster nos plans à nos besoins mais aussi au terrain même. On ne connait pas bien la région qui est quand même un peu plus froide que le brabant Wallon. On n’est pas encore en Ardenne mais presque et le “Plat d’Haversin” semble réputé pour garder la neige. Heureusement pour nous l’hiver 2015-2016 fut doux. On plante nos premiers arbres fin décembre 2015, 5 basses-tiges de Flore et Pomone, 3 pommiers: Spartan, Lady Suddely, et Asumpta et 2 poiriers: Beurré Curtet et (probablement) fondante de Thiriot. On a marqué de coup avec une bouteille de champagne, tellement j’étais contente de commencer!

Maintenant il est temps de réfléchir à un plan, si on veut que ce verger soit un succes. Je suis réticente à un plan trop rigoureux, j’ai envie de pouvoir expérimenter, me tromper, recommencer mais je me rends bien compte que je ne plante pas des salades qui resteront sur place 2 mois mais des arbres  qui peuvent durer une vie. Ou plus. On a envie de planter des hautes-tiges à cause de la beauté des arbres, leur longévité mais aussi parce que ça permet de continuer a regarder en dessous des branches, d’avoir une sensation d’espace et d’apprécier le paysage. L’inconvénient de  ces arbres étant la mise à fruit lente on pense quand même à planter aussi des arbres à basses tiges, il nous faut un potager et on peut entourer celui-ci de buissons fruitiers ou des haies fruitières. Une haie pour couper les vents dominants et pour abriter les oiseaux et autres auxiliaires semble judicieux, il y a une veille haie d’aubépines dans le fond qui mérite d’être restaurée mais il n’y a encore rien du côté sud-ouest. Puis il faut des petits-fruits: des groseilles, groseilles à maquereaux, cassis, framboises, mûres, myrtilles… Des animaux? Malgré les avantages d’un verger pâturé je n’ai pas encore envie de me lancer dans cette aventure, ça nécessite une bonne clôture, une présence humaine régulière, des protections supplémentaires pour les arbres, bref des coûts supplémentaires qu’on est pas prêt à faire pour l’instant. Une mare par contre peut créer un microclimat, drainer une partie de la prairie et ajouter de la biodiversité, des bandes fleuries peuvent attirer les abeilles mais du coup il faut des ruches? Et qui va les gérer? Toutes ces questions et on n’a toujours pas de plan?

Le terrain est une prairie à front de rue (pratique pour le transport mais pas très intime) d’environ 120m de long et 80m de large, légèrement en pente du nord, le fond de la prairie vers la rue, côté sud-est . On commence par visualiser notre axe Nord-Sud avec une belle ficelle fluo dans la prairie et une ligne sur notre plan et on indique une zone potagère le long de la rue avec des planches de culture en axe nord-sud. Puis, au fond de la prairie là ou notre axe coupe la bordure du terrain on indique le premier arbre à environ15 m de la haie. à partir de là , avec 2 ficelles de 12 m on indique la suite des emplacements en quinconce. On prévoit de planter une dizaine d’arbres cet hiver, la suite l’hiver prochain, petit à petit le terrain devrait se remplir. Dans la haie on plante plein d’ essences différentes: aubépine, sorbier, sureau, noisetier, saule, prunelier, tilleul, églantier, pommier et poirier sauvage… et j’en oublie. Une petit coin pépinière pour des pommiers et poiriers sauvage qui serviront de sujets porte-greffe me permettra de m’exercer en greffage.


Entretemps je me suis rendu compte d’un assez gros problème dans l’arboriculture: le campagnol. Lors des conférences pour les arboriculteurs le campagnol semble être ce que les limaces sont pour les jardiniers: une inépuisable source de conversation sans solution définitive. Et dans notre terrain il y en a plein, donc pour arrêter de faire des cauchemars on décide de planter dans des cages protectrices en grillage fin comme ça on sera au moins tranquille quelques années, Le temps de trouver une solution. Si elle existe.
Maintenant le temps passe vite, les 10 arbres plantés on voit à peine la différence dans la prairie mais l’herbe par contre elle a poussé, elle envahit nos petits plants de haie, se couche avec toute la pluie et abrite des milliers de limaces qui bouffent nos courges. On attaque sur 2 fronts: on demande à un agriculteur du coin de venir faucher la prairie mais pas autour des arbres et on apprend à faucher à l’ancienne ce qui nous permet d’entretenir les haies, les bords autour du potager et un chemin autour des arbres. Quelle découverte! Le plaisir de faucher en silence, la précision qu’on peut obtenir autour des plantations, une technique 100% écologique… certes faire un hectare comme ça demanderait trop de temps et d’énergie mais le choix entre une débroussailleuse et une faux est vite fait. Pendant l’été on construit un petite cabane en matériaux de récup, on installe une table de picnic, une tente,  on fauche, on jardine et on repense notre plan. Tous nos arbres ont bien pris et chaque fois qu’on vient on fait le tour de nos petits, on bine un coup (pour chasser les campagnols) et on rêve des bons fruits qu’un jour on mangera.
Aujourd’hui on se prépare pour la deuxième plantation, pour la Sainte Catherine  on prépare à nouveau 14 arbres, une autre commande à la Nationale Boomgaardenstichting est encore en attente, il y aura encore des hautes et basses tiges, plus encore de sujets porte-greffe, une nouvelle ligne de petits fruits avec des bouturages réalisés dans mon potager à Schaerbeek, et petit à petit,  le rêve se concrétise.
Je suis sûre qu’on rencontrera encore plein de difficultés, qu’on passera de nombreuses journées dans le froid, la pluie, la boue, dans la lutte contre les diverses pestes et maladies mais sûre aussi que planter un verger est la meilleure chose à faire.